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44 rue Damrémont

22 octobre 2014

Je regarde l’appartement ou je vis depuis quelque mois. Un décor ancien. Des meubles d'un autre siècle. Une tapisserie à grosses fleurs. Des murs habités de tableaux. Un lustre arborant ses breloques de cristal. Une fausse cheminée avec un grand miroir au bord doré. Les mouleurs au plafond. La fenêtre habillée de lourd double rideau doré. De vieilles faïences posées un peu partout. Atmosphère de théâtre, mais qui étrangement me libère. Moi, qui rêve de vivre dans les vieux films en noir et blanc je suis servie, sauf que, la, j'ai la couleur et beaucoup de couleur qui me retiennent dans la réalité. Je m'y sens bien, dans cette bonbonnière, nom que lui donne le père de mon amoureux. Je suis de passage. Je ne reste pas. Combien de temps ? Je ne sais pas. Cela n'a pas d'importance je n’éprouve pas le besoin de m'investir. Comme dans une chambre d’hôtel, je disperse quelques objets à moi, mais n'en fais pas plus. J'aime me sentir en visite. Je suis en retrait. En suspens. J'ai le temps de réfléchir, de penser, d'inventer. De me poser. L'appartement donne sur une cour, nous protégeant des bruits de la rue. Une fois la lourde porte cochère passée , je retrouve la vie.

Je commence à connaître le quartier que je sillonne avec Toby. On a nos petites habitudes. je reconnais les habitués. La petite vieille pousse son déambulateur à roulette vers le Franprix pour acheter sa bouteille de lait. La gardienne de l’entrée voisine avec sa longue queue de cheval grise et sa vieille barrette, veille aussi sur le Lavomatic. Un grand beatnik, le tee shirt souvent taché, avec un tout petit Yorkshire, éparpille ses voitures de collections a vendre sur toute la rue. Picard ou je me réapprovisionne en glace au calisson. Le primeur fait les cent pas devant sa boutique. Les plats du traiteur font saliver si on reste trop longtemps devant. Le fromager avec sa sempiternelle file d'attente. Le clochard assis à coté de la boulangerie, pour qui Toby c'est pris d'amitié. Les embruns du poissonnier me kidnappe et zou direct à Trouville. La jolie vitrine de la fleuriste me parle comme un poème. Les poulets, tournant dans la rôtissoire, sentent le dimanche midi. le vieux chien Sam, traîne sa carcasse derrière sa maîtresse.

Les pavés de la rue Félix Ziem me conduisent régulièrement rue Lamarck, que je remonte jusqu'à la rue Caulaincourt. Je passe devant Le Refuge, bistrot où nous aimons bien profiter du moment. Je fonce droit vers l'attrape cœur, librairie ou je peux même rentrer avec Toby. Je ressors rassasié de quatrième de couverture. Je flâne jusqu’à la rue Custine et reviens sur mes pas. Mais la ballade que préfère, c'est celle de la fin de journée, à la tombée de la nuit. celle où les lumières se font dans les appartements. Et en ce moment, je suis vernie, elle arrive de plus en plus tôt dans la journée. Telle une voyeuse, je rase les rez-de-chaussée. Je lève la tète vers les balcons. J'enregistre des moments de vie qui ne m’appartiennent pas. Je découvre des intérieurs qui me racontent des histoires. J'enregistre des bouts de conversations, des scènes que je ne comprends pas. Si j'ai de la chance, un regard. Désapprobateur ou étonné. Pas grave, je le prends, je le garde. Cette ballade je la fais à petits pas, pour ne rien manquer. Je la savoure, J'emmagazine, je collectionne, je remplis mon tiroir d'image. Toby me tire l'air de dire « c'est bon, on y va ? » il a faim. Veut rentrer. En remontant l'escalier recouvert de tapis rouge, vers mon nid de coucou, je laisse la petite voix qui me parle à l’imparfait me remplir des histoires qu'elle me souffle. Ce murmure m'emmène souvent au pays perdu de mon enfance, mais elle peut tout aussi bien m’entraîner dans une vie inventée ou rêvée.

Je l’écoute.........

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