Regard, secret, main, larrons, tiroir, drap, couverture, partager, (se) tramer, connivence, confident, bêtise, proche, rival, neige, empathie, ensemble, amants (au pluriel), nacrer, nomade, noir.
Le Refuge.
Installée à la terrasse chauffée, du « Refuge », mon ennui s'accroche au rideau translucide qui décore la nuit tombante.
Ces petites étoiles de bonheur, pures et légères, virevoltant dans l'air froid, illuminent la sortie du métro face au café, avec pour seule envie, allumer la joie dans le cœur des voyageurs indifférents qui sortent par grappe.
Une couverture de neige s’étale sur le quartier, étouffant les bruits de la rue. Ce presque silence et la lumière éclatante, offrent un effet irréel de fin du monde. Réfugiés dans les fauteuils, les clients apprécient comme moi ce spectacle féerique.
Un vieux couple, s’installe prés de ma table. Un halo nacré les enveloppe. Elle, très droite dans son long manteau crème. Ses iris bleues sont un peu effacé par les années, mais, je devine qu'elle a pu tué d'un regard. Je peux lire la beauté de sa jeunesse sur son visage fané. Le port de tête digne d'une reine. Le carré, de ses fins cheveux blancs, bien dessiné, laisse ,entrevoir le désir de se maintenir. D'une main gantée, elle porte une cigarette à ses lèvres. Lui, portant fièrement une gâpette de laine, n'a de cesse de la regarder. Son corps entier tend vers elle. Assis côte à côte, si proche, ils ne forment qu'une silhouette. Je les observe discrètement, mais gourmande de leur image. Je déchiffre la complicité dans les sillons de leurs visages.
L'homme se frotte les mains pour les réchauffer.
- « Tu as encore oublié tes gants dans le tiroir, mon pauvre chéri murmure-t-elle
Il lui répond d' un clin d’œil bienveillant.
La serveuse arrive
- « Deux coupes, Mademoiselle s’il vous plaît. Annoncent ils d'une seule voix. Leurs regards amusés se fondent en une douce connivence. Uniquement là, l'un pour l'autre, la vie autour d'eux n'existe pas.
La serveuse invisible pour le couple revient avec les deux flûtes étincelantes de champagne doré
Les yeux dans les yeux, levant leurs verres, ils partagent la première gorgée. Elle se penche à l'oreille de son confident. Lui murmure certainement une bêtise, car il éclate d'un beau rire sonore. Dans l'intensité de ses prunelles bleues, j'imagine qu'il n'a pas eu de rival. Que cela a toujours était lui, l'homme de sa vie. Il caresse le genou qui déborde du manteau entrouvert. Je lis dans son geste le secret de leurs alcôves. Ils demeurent amants. Ils froissent encore le drap.
Une rafale balaye la scène.
Je m'arrache à leur amour, me lève. L'âme nomade, je m'engouffre dans le noir de la nuit qui se trame.