Voici ma participation au défi d’Asphodèle.
Le thème : la folie
Les mots imposés : Grain, conséquence, ordinaire, manquer, zinzin, camisole, extravagance, quotidien, douce, furieux, maîtrise, artiste, univers, abandon, psychose, conte, rêveur, bleu, aliéniste, bergère, escapade, onduler, outrageux, obsédant.
le grain que je venais de me prendre sur le carafon eu pour conséquence un de ces grands moments de solitude qui nous laisse comme un rêveur honteux.
Oui, cette pluie ordinaire de novembre était on ne peut plus normale pour la saison, je vous l'accorde, mais sa rapidité et sa fulgurance eurent un effet outrageux pour ma tenue, transformant ma veste de velours et mon pantalon de laine en une camisole d'eau entravant chacun de mes mouvements. J'espérais, comme dans un conte pour enfants, que la baguette magique de ma fée préférée viennent à mon secours. Immédiatement, je sentis une brise froide sur mes épaules et décodait qu'elle m'avait entendu, mais n'avait pas le temps d'aligner les mailles.
Maugréant, tel un zinzin en fugue, contre ce robinet ouvert au-dessus de moi, j'étais bien décidée à ne pas croiser un aliéniste dans cette tenue. J'essayais entre les "flics flacs flocs" obsédants de courir vers ma porte cochère. D'un bond, j'étais en bas de mon entrée. Enserrée pas mes vêtements trempés, je montais d'une démarche de crapaud les marches menant à mon refuge. Je soupçonnais que ma protectrice se soit trompée sur la nature de son charme. Ne m'attardant pas sur ce détail, je me voyais déjà installer dans ma douillette bergère devant ma cheminée, quand j’atterrissais brutalement sur mon voisin. Une farouche et incontrôlable animosité ne nous quittait pas depuis notre première rencontre. Le visage de ce bellâtre reflétait à la fois bêtise et stupeur, une sorte de prouesse, j'en conviens. Quand je m’ennuyais, je l'imaginais avec un plaisir sadique, tournant sur orbite pour le désintégrer façon puzzle éparpillé dans l'univers. Nos rapports quotidiens se limitaient à un bonjour hypocrite pour moi et un grognement pour lui.
Le cheveu dégoulinant, plaqué au crane, le rimmel bleu traçant deux traces d'encre le long de mes joues, les fringues plaquées au corps, se terminant pas deux grosses flaques autour de chaque pied, je n'étais pas au mieux de ma forme. Il me regardait avec dédain, n'approuvant pas mon extravagance vestimentaire. Comme si c’était mon habitude. Moi, le bon goût et la discrétion même. Certes, j'avais toujours rêvé d’être une artiste, mais pas au point de paraître en pleine psychose humide au milieu du palier. Son regard furieux foudroyait méchamment les deux éponges spongieuses qui remplaçaient mes délicates ballerines. Elles imbibaient impitoyablement le tapis rouge du l'escalier. De la main, j’esquivais un geste d'abandon, lui signifiant ainsi qu'il ne pouvait comprendre. D'une maîtrise pétrie d’expérience je gardais pour moi les noms d'oiseaux qui fusaient dans mon cerveau, et ondulais silencieusement vers ma porte tel un poisson dans son aquarium.
Abandonnant derrière moi cette escapade arrosée, je retrouvais avec gratitude la douce chaleur de mon antre étanche.