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Travailler je veux bien

Travailler, je veux bien, mais sans y laisser ni peau, ni cerveau.

Cette nuit, entre couette et oreiller, dans un sommeil agité, je revis encore une fois un conflit du passé avec la lampiste-chef qui me servait de supérieur au travail. Je refusais et me rebellais contre sa tyrannie malgré la peur grandissante qui tapissait les murs de mon rêve, de perdre mon gagne-pain. Cette persécutrice, de trente ans plus jeune, à l'accent des quartiers, vêtue, maquillée et coiffée comme une page de magazine, prenait régulièrement sa dose de revanche facile sur la société. C’était elle la chef, qui me vampirisait la journée et fusillait régulièrement mes nuits. Après des mois de cauchemars qui me laissaient tel un vieux tapis élimé, cette fois, la fin est différente. Quand je lui assurais que je ne lorgnais pas sa place, que je souhaitais juste faire mon travail, étrangement, elle semblait m’entendre, comprendre. Ma douce voix perçait donc la double couche de laque et ne glissait pas sur le fond de teint épais. Même dans mon rêve je n'en croyais pas mes yeux. Je rejoignais mes collègue et pour me rassurer leur confiait que ce n’était pas encore pour cette fois.

 

Mais soudain le rêve se déchire et je me rappelle. Je ne veux plus de ce travail. La peur ancrée en moi depuis des générations,la honte de perdre son travail, m'avait fait oublier l'essentiel.

Rébellion et guérison sont-elles alliées? Il y a quelques mois je n'en pouvais plus.

Aujourd'hui je ne veux plus.

Je ne veux plus que l'on parasite mon cerveau jusqu’à la culpabilité.

Je refuse qu'on m’étouffe sous des avalanches de soi-disant mauvais résultats pour me prendre en otage et renforcer mon carcan.

Finis les retours en RER, le soir la tête pleine de comment je vais faire.et de je n'aurais pas le temps.

Relégués au grenier les procédures alambiquées et consignes contradictoires, qui rendent ma tâche impossible.

Finis les entretiens annuels ou je suis jugée sur un travail sur lequel je n'ai aucun contrôle. Dans Lequel, aussi hypocrite que la personne en face de moi, pour qui je ne suis qu'un élément dans une liste à cocher, je dois jouer la salariée flattée qu'on lui demande son avis, dont bien sûr tout le monde se fiche.

Terminés les déplacements à Prague (avec le sourire, on m'offre un voyage!) pour apprendre mon métier à des jeunes femmes adorables, avant d’être moi-même remerciée.

Plus de clients gavés d'images télévisées me polluant les oreilles, geignards, colériques, au bord du suicide, disent-il, aussi naïfs que bêtes, car prêt à gober n’importe quoi.

Brûlés les argumentaires et phrases toutes faites qui m'obligent à mentir et me rendent complice malgré moi.

Radié le superviseur, qui se contente de compter combien de fois je vais aux toilettes.

Effacé le logiciel que même les concepteurs n'arrivent pas maîtriser.

Finis le perroquet à répéter des heures incident technique ou panne informatique -veuillez rappeler, pour que le client rappelle rappelle, rappelle et paye, paye, paye…

On ne demandera plus si j'ai pris mon cerveau en venant ce matin. Sinon, je réponds que oups je l'ai oublié sur ma table de nuit et que je rentre chez moi! Ou qu'il était trop lourd dans mon sac a main.

Résolut le suspens du vendredi soir, dans l'attente de mon planning pour la semaine suivante.

Oubliées les journées en sous-effectif suite aux absences, aux renvois intempestifs, et m'entendre dire que je fais de l'abattage, alors qu'une voix hurle au-dessus des bureaux 194 appels en attentes et qu’il faut que je soigne la qualité.

Étouffée la même marchande de poisson qui vocifère: L10 trop long, raccroche! L10 trop de disponibilité! L10 tu entends? Hein? Ah oui! C'est moi L10. On me change de log-in tous les matins, alors. Je te remercie de ton aide, mais je suis déjà au courant, ça clignote tellement sur mon écran, qu'il va certainement décoller.

Finis la vérification de mon bulletin de paye pour voir si on ne m’a pas encore gratté quelques quarts d’heure par ci par là.

Laissés a leurs galères mes compagnons, avec leurs mesquineries, diffamations, dénonciations, vols d'argents ou de ma boîte à repas dans mon tiroir.

Ne plus être écoutée, pistée, surveillée, chronométrée, disséquée, sanctionnée.

Ne plus être une marchandise, une salariée Kleenex

Ne plus être entre le marteau et l'enclume

Partir légère le matin sans la boule au ventre.

Rayée de ma mémoire, cette remarque, vous devriez avoir honte de faire ce métier, mademoiselle, pour un seau et un balai fabriqué en chine jamais arrivés que j'ai déjà renvoyé trois fois.

Ne plus être un bâton en plus ou en moins dans les colonnes des tableurs.

Oubliée les nuits épuisantes, ou je cours jusqu’au matin dans un labyrinthe, d’où je ne peux sortir, puisqu’il est conçu sans issue

je ne veux plus.

 

Comment?

Je vais gagner moins si je prends un autre job ?

Mais je suis déjà au minimum. Cela fait des années que vous nourrissez de moi, de mon travail, de ma bonne volonté, de mes compromissions, de mes renoncements, de mes blessures, de mes peurs que vous entretenez insidieusement.

 

Je veux bien travailler, mais...

je veux qu'on laisse ma tête tranquille, qu'on ne la martyrise plus.

J'ai envie de retrouver le plaisir de la tâche accomplie, du travail bien fait,de la journée utile et bien remplie.

Je veux rentrer l'esprit libre, que mes idées s'envolent où la brise les emportent, que mes mots respirent à plein poumons, que mes pensées musardent dans les champs , que mon esprit s’évade des murs de la vie.

 

Je veux gagner ma vie sans la perdre.

 

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K
Voici une philosophie que j'ai toujours défendu tut au long de mon activité professionnelle. Vendre sa force de travail. Etre rémunéré pour. Et puis basta ! La vraie vie est ailleurs. Bravo !
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